Le rover Perseverance commence son exploration de la planète Mars
Le rover Perseverance sur Mars
Par Cyrille Vanlerberghe Publié
Perseverance, le rover à six roues et 2,4 milliards de dollars de la Nasa, est bien arrivé sur Mars à 21h55 heure française jeudi 18 février. NASA/JPL-Caltech/via REUTERS
Au terme d’une rentrée périlleuse dans l’atmosphère de la planète rouge, la sonde de la Nasa a réussi un atterrissage idéal, sur un site propice à la recherche d’éventuelles traces de vie.
A 21 h 55 heure française jeudi soir.
Swati Mohan, l’ingénieure en charge des opérations de vol a un bref moment d’hésitation. Puis elle finit par prononcer avec un soulagement évident les deux mots tant attendus: «atterrissage confirmé». Perseverance, le nouveau rover à six roues et 2,4 milliards de dollars de la Nasa est sur Mars. Éruption de joie dans la salle de contrôle du Jet Propulsion Laboratory de la Nasa (JPL) en Californie, où, Covid oblige, de simples «checks», poing contre poing, remplacent les accolades habituelles, ces «hugs» si chers aux Américains.
Au terme d’une rentrée périlleuse dans l’atmosphère de Mars à près de 20 000 km/h, la sonde américaine a parfaitement déroulé la séquence de sept minutes d’opérations critiques nécessaires pour déposer sur le sol martien le précieux rover d’une tonne… en un seul morceau. «Les équipes du JPL ont une nouvelle fois montré qu’ils étaient les meilleurs au monde pour ce genre de manœuvre, c’est vraiment impressionnant», a applaudi Sylvestre Maurice, astrophysicien à l’Irap et père de l’instrument SuperCam embarqué sur le mât du robot américain.
Pendant la phase d’atterrissage, le scientifique était au siège du Cnes, l’agence spatiale française, pour expliquer en direct à Emmanuel Macron et son épouse le déroulé des opérations. Car si le succès de l’atterrissage est 100 % américain, la France peut s’enorgueillir d’avoir conçu et fabriqué une partie emblématique du rover, son «œil», capable d’étudier des roches à plusieurs mètres de distance grâce à ses cinq instruments de haute précision, dont un puissant laser.
Des images un peu floues
Les premières images renvoyées vers la Terre et diffusées jeudi soir par la Nasa, sont en noir et blanc et légèrement floues à cause des caches transparents qui protégeaient encore les caméras. Si elles ne gagneront pas de prix de beauté, elles permettent en revanche de constater que le système de guidage automatique lors la descente a parfaitement rempli son rôle. Le terrain est parfaitement plat, presque ennuyeux, poussiéreux, et parsemé de quelques cailloux un peu plus clairs. «Nous sommes à tout juste un kilomètre du centre de l’ellipse d’atterrissage. On commence donc la mission là on voulait», se réjouit Nicolas Mangold, géologue spécialiste de Mars au Laboratoire de planétologie et géodynamique à Nantes et membre de la mission. «Le site est très plat, avec surtout du sable, mais nous sommes juste au milieu de deux terrains très intéressants qui vont nous occuper pendant plusieurs mois. À l’est, des roches fracturées avec un peu moins de sable, et à l’ouest des terrains plus clairs, plus rugueux.»
Nous sommes juste à deux kilomètres à vol d’oiseau de notre première cible principale, les bords du delta où nous allons chercher des strates sédimentaires
Nicolas Mangold
Les six roues du rover reposent donc comme prévu sur le fond du cratère Jezero.
Une grande structure circulaire de 45 km de diamètre crée par un gigantesque impact. Le site a été choisi, car il y a environ 3,5 milliards d’années, à une époque où la planète était plus chaude et plus humide qu’aujourd’hui, un fleuve se déversait dans le cratère, creusant un canyon et déposant un éventail de sédiments. L’eau a depuis longtemps disparu, mais la présence de ce delta fluvial sur le bord du cratère en fait un site particulièrement intéressant pour rechercher d’éventuelles traces de vie, l’un des objectifs principaux de la mission. «Nous sommes juste à deux kilomètres à vol d’oiseau de notre première cible principale, les bords du delta où nous allons chercher des strates sédimentaires», précise Nicolas Mangold.
Pour un géologue, cet empilement de couches de sédiments est l’environnement idéal pour retracer l’histoire du site, et y «lire» la manière dont l’eau y a affecté l’environnement, donnant peut-être des conditions favorables à la vie. «Avec le système d’autonavigation de Performance, plus performant que Curiosity, nous pouvons faire plus de 100 mètres par jour sur un terrain favorable, précise le chercheur nantais. À ce rythme-là, le delta ne sera vraiment pas loin.» «Mais avant de commencer à rouler et à faire de la science, il faut d’abord vérifier que tout fonctionne bien à bord», précise Sylvestre Maurice, qui attend avec impatience le déploiement du mât sur lequel est installé son instrument SuperCam, normalement dans la journée de vendredi.
Une période de vérification de trente jours martiens pour le rover Perseverance
À cause de l’incroyable complexité de Perseverance, 1026 kg de mécanique high-tech et d’électronique de pointe, cette période de vérification va être longue, et doit durer au moins trente jours. Ou plutôt 30 jours martiens, qui durent chacun 24 heures et 39 minutes. Un léger décalage qui oblige les deux scientifiques français, comme leurs collègues américains, à caler leurs agendas sur l’heure martienne, et à commencer leur travail 40 minutes plus tard chaque jour.
Reste le problème du Covid, pas évident à gérer pour une mission aussi complexe qui requiert la collaboration de plus de 250 scientifiques répartis à travers le monde. «D’une certaine façon, mon bureau est sur Mars, à 200 millions de kilomètres, mais les interactions directes avec nos collègues américains nous manquent, je dois dire», regrette Sylvestre Maurice.